> L'affaire Jésus 2003

Henri Guillemin

Pourquoi cette oeuvre ?

Port-Royal ne prédestinait pas les TPR à n’aborder que des sujets religieux. Pourtant, le troisième choix s’est porté sur Reste avec nous, brève nouvelle d’Henri Guillemin (1903-1992). Pourquoi ?

Jeune bachelier, Christian Nardin avait rencontré en juin 1973 cet éminent professeur, dont il admirait l’œuvre presque entièrement vouée à la défense de personnalités littéraires ou historiques injustement décriées, ou à la critique de gloires surestimées. De cette rencontre, naquit une amitié qui dura jusqu’à la mort d'Henri Guillemin. En dehors du théâtre et de sa passion pour la culture, Christian Nardin avait découvert l’univers de la non-violence, à la suite de rencontres marquantes avec trois personnalités : Jean Goss (secrétaire itinérant du Mouvement International pour la Réconciliation), René Macaire (déjà cité) et Jean-Marie Muller (philosophe et fondateur du Mouvement pour une Alternative Non-violente). Bien que cette mouvance ne se revendique pas comme confessionnelle, nombrer de ses représentants historiques (Gandhi, Martin Luther King, Lanza del Vasto, etc.) ont spontanément revendiqué le lien entre leur foi et leur action en faveur de la non-violence. Entrevoyant à travers leur courage et la justesse de leur action que la "question de Dieu" pouvait être légitime et non une fausse question, Christian Nardin voulut en savoir davantage sur cet univers en participant pendant plusieurs années à des séminaires de réflexion. Il s’aperçut alors d’un rapport entre la non-violence et la nouvelle Reste avec nous qu’Henri Guillemin, délaissant un instant ses travaux universitaires, écrivit en Suisse à Neuchâtel, où il avait trouvé refuge en 1943 après avoir été dénoncé à l’occupant comme "gaulliste" par un journal collaborationniste.

Sujet Reste avec nous raconte la Passion de Jésus selon le point de vue d’un témoin oculaire, Elias Achim. Ce personnage, savetier au langage faubourien, a un ami, Gesmas, grand gaillard un peu tête brûlée, qui se jette dans l’échauffourée des "Marchands du Temple", convaincu que l’audacieux - celui qu’on appelle le "nazaréen" - qui a osé renverser tables et piles de monnaie est le "Libérateur" attendu par le peuple hébreu depuis des siècles. Immédiatement arrêté, Gesmas apprend peu après que ce même provocateur, loin d’appeler à la révolte générale, s’est laissé arrêter au jardin des Oliviers. Se jugeant trahi, il passe aussitôt de la ferveur à la fureur, hurlant avec la foule qui, le lendemain, réclame la relaxe de Barabbas et la crucifixion du dénommé Jésus. Condamné à cette même crucifixion, il éprouve l’humanité de Jésus au cours du chemin de croix et même sur la croix, où il meurt en "bon larron". Plus que réservé au départ à l'égard de la personne du "nazaréen", Elias Achim, qui a suivi ces événements tous sens en éveil, sort du drame affecté, effondré. Quelques jours plus tard, cherchant à sortir de son abattement, il décide d’aller dans le bistrot d’un village voisin. Il s'attable seul, lorsque trois passants entrent s’asseoir à leur tour un peu plus loin, deux d’entre eux paraissant saisis par le propos du troisième. Soudain : secousse, luminescence : comme les deux autres passants, Elias reconnaît le crucifié, le nazaréen...

Le subtil mélange d’histoire (la Passion, les disciples d’Emmaüs) et de fiction (Elias, Gesmas) à l'oeuvre dans ce récit, donne une impression de reportage vécu par des personnages attachants, impression qui laisse le lecteur/spectateur sur des sensations intimes profondes. Le texte fonctionne comme une donnée "brute", antérieure à ce qui deviendra plus tard tradition ecclésiale ; il se donne comme la déposition d’un témoin pris dans la fournaise des événements. De ce récit à fleur de peau se dégage une indicible authenticité, qu’on soit croyant ou non.

En regard de notre actualité, cette empreinte dans l’esprit du lecteur/spectateur justifie qu’une telle nouvelle soit servie afin d’être plus et mieux connue.

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Reste avec nous s’était acquis une certaine notoriété en faisant l’objet de lectures dans les paroisses catholiques et protestantes lors des fêtes de Pâques ; mais jamais encore elle n’avait reçu les honneurs de la scène - en dehors d’une troupe suisse au cours des années 1960. Dans le parcours des TPR, ce projet fut conçu en 2003, qui correspondait au centenaire de la naissance d’Henri Guillemin. Ce symbole a été décisif dans la genèse du projet.

Élaboration du projet

Ce qui dynamisa le projet, ce furent l’enthousiasme avec lequel le pasteur Bernard Sturny l’accueillit dans sa paroisse de Saint Pierre le Jeune (protestant) de Strasbourg, avec la sympathie des paroissiens.

Comme la durée de représentation de Reste avec nous ne dépasse pas une heure, l’idée s’imposa de bâtir un spectacle qui pût réunir deux œuvres de genre, d’époque et d’auteur différents, mais centrées sur le même sujet : à côté de Reste avec nous, figura donc Via Crucis, oratorio pour voix mixtes et piano de Franz Liszt. Un tel couplage était alors aussi inédit que riche de promesses. C’est à cet ensemble que fut donné le titre d’Affaire Jésus, à l’origine titre d’un essai d’Henri Guillemin, lui-même emprunté à Charles Péguy.

Des difficultés rencontrées dans les mois de préparation impliquèrent toutefois de modifier le programme : Via Crucis fut remplacé par des pages religieuses pour piano de Franz Liszt. Le grand pianiste Michel Dalberto accepta de venir les interpréter. A la joie de tous, la soirée du 17 avril 2003 fut un grand moment, partagé par une église pleine en présence de M. Philippe Guillemin, fils aîné d’Henri Guillemin.

Programme du spectacle

Représentations

Le couplage initialement prévu se concrétisa lors des reprises de 2006 et de 2008. En regard toutefois du montage complexe de Via Crucis et du coût du spectacle complet, les reprises ultérieures n'ont porté que sur le seul Reste avec nous.

  • 2006 : Eglise Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg (protestant). [02 mai]
  • 2008 : Eglise Sainte-Madeleine de Strasbourg (catholique). [10 mars]
  • 2012 : Mont Sainte-Odile. [Vendredi Saint]
    Château du Liebfrauenberg. [Samedi & Dimanche de Pâques]
    Cathédrale de Strasbourg (crypte). [Lundi de Pâques]
  • 2013 : Festival théâtre biblique de Clermont-Ferrand. [13 octobre] Programme Restitution
  • 2014 : Temple protestant de Graffenstaden. [3 avril]
  • 2015 : Paroisse protestante de La Robertsau. [4 avril]
  • 2017 : Chartreuse de Molsheim, dans le cadre des dix ans de l'association Arts et Cloîtres. [29 avril]
  • 2018 : Salle communale de Clessé (près de Mâcon). [1er novembre]

Fiche technique

Presse

Accompagnement et soutiens

Photos

Vidéos

Certaines de ces vidéos sont extraites de captations improvisées de qualité limitée. Elles ont pourtant été conservées en témoignage du spectacle et du jeu des interprètes.